Paolini, la récompense tardive d’une carrière sous-estimée

A 36 ans, Luca Paolini est l’un des anciens du peloton. Un capitaine de route au poids très important au sein de Katusha, qui est probablement passé tout près d’une très grande carrière. Le 6 mai 2013, en triomphant à Ascea, dans le sud de l’Italie, sur son tour national, le vétéran a probablement réalisé un rêve d’enfant ou, du moins, de jeune coureur. Lorsqu’il a une vingtaine d’années, quand le monde professionnel lui ouvre ses portes, un italien rêve avant tout de triompher sur ses terres, en champion, devant une foule toute acquise à sa cause. En passant la ligne de cette troisième étape, Luca Paolini a pu remarquer les casquettes et t-shirts roses, ainsi que les drapeaux tricolores, pour voir qu’il était bien chez lui, en Italie. Une victoire, la 17e en quatorze années de carrière, et la deuxième en 2013, qui a probablement libéré Paolini, en lui apportant deux des choses dont il pouvait rêver. L’étape, tout d’abord. Un plaisir profond, sincère, mais qui ne se savoure pas longtemps. Puis le maillot rose, endossé quelques minutes après la victoire d’étape, et quelques secondes après être déjà monté sur le podium pour recevoir le bouquet du vainqueur du jour. L’intensité ressentie lorsque l’on enfile le maillot rose est plus mesurée, plus savoureuse. Il faut savoir en profiter sur la longueur. Une longueur que Paolini a su étirer jusqu’à quatre jours, durant lequel il était la star du peloton. Une popularité acquise très tardivement pour un coureur qui avait tout pour devenir un grand, mais à qui il a manqué un petit rien.

Car le palmarès de Luca Paolini, s’il est pauvre en grandes victoires, est bien plus fourni en places d’honneur. Sur les classiques, que l’italien affectionne plus que tout, il a toujours su se montrer très fort. L’effort sur un seul jour semble être fait pour lui. En effet, plus de la moitié de ses victoires ont été acquises lors de semi-classiques. Ayant remporté la Flèche Brabançonne, le Circuit Het Niewsblad, le Trofeo Laigueglia ou encore le Grand Prix de Lugano et le Tour du Piémont, Paolini démontre des qualités très rares de classicman. Capable de gagner partout, il n’a pourtant jamais réussi à profiter de sa force pour se forger le palmarès qu’il aurait mérité. C’est notamment lors des grandes courses que quelques chose a manqué à l’italien, qui a terminé huit fois au sein des huit premiers de Monuments du Cyclisme. Semblant plus fort que jamais lorsque le peloton empruntait les routes de son pays, il est monté deux fois sur le podium de Milan-San Remo, sans jamais sembler être trop à proximité du fessier des hôtesses. Paolini était troisième quand, en 2003, Paolo Bettini remportait sa seule Primavera. Il était encore là en 2006 pour voir Filippo Pozzato triompher de son premier Monument. En étant souvent proche des premières places pour observer la consécration à domicile de ses compatriotes, Paolini n’a pourtant jamais connu ce bonheur de remporter, après presque 300 kilomètres et sept heures de course, l’une des plus prestigieuses épreuves du calendrier international. Paolini était également présent en 2009, sur le Tour de Lombardie, sauvant l’Italie d’un énorme affront. Quatrième cette année-là, son seul top 10 dans l’épreuve se déroulant au sein de sa région, Paolini était le seul italien parmi les dix premiers. Sans lui, cet affront aurait été le premier de la sorte depuis 1990, vingt éditions plus tôt. Bon sprinteur, bon puncheur, bon grimpeur, bon flandrien, très endurant, le polyvalent Paolini sait également très bien gérer la pression des grands événements. Il a ainsi terminé dans les dix premiers des derniers Jeux Olympiques, mais a surtout conquis une médaille de bronze aux Championnats du Monde, en 2004. A Vérone, au bout de sept heures d’effort, à domicile encore une fois, il ne fut devancé que par deux géants du cyclisme moderne: Oscar Freire, champion, et Erik Zabel, son dauphin. Ironie du sort, Paolini avait déjà accroché l’argent aux Mondiaux, en 1999, chez les espoirs. Cette année-là, Vérone accueillait déjà l’épreuve, et Oscar Freire remportait déjà un titre de champion, mais chez les professionnels, lui. Capable de s’imposer sur tous les types de courses, comme le prouve sa troisième place sur le Tour des Flandres 2007, seulement devancé par Ballan et Hoste, Paolini a sûrement quelque chose en moins que ses compatriotes qui, s’ils sont également souvent abonnés aux places d’honneur, ont tous eu la chance de s’imposer sur de prestigieuses épreuves. Proche d’un Kolobnev pour sa malchance et de Pozzato pour sa polyvalence, Paolini n’a jamais trouvé réelle satisfaction dans les classiques, ne parvenant pas à trouver la victoire qui aurait pu le faire entrer dans une autre catégorie, lui permettre de se débrider, le faire s’envoler vers les cimes du cyclisme. C’est, paradoxalement, dans le domaine du cyclisme qui semble lui correspondre le moins que l’italien a probablement trouvé sa plus grande satisfaction.

En effet, les Grands Tours sont sûrement les courses auxquelles s’adaptent le moins ses qualités. Doté d’une exceptionnelle endurance, Paolini a performé à de nombreuses reprises au bout d’au moins 250 kilomètres, et sa préférence pour la Primavera, longue de près de 300 bornes, ne saurait cacher un amour pour les très longues distances. Or, sur les Grands Tours, de telles étapes sont rares, et il est donc étonnant de voir Paolini y réussir. Ici, on ne peut pas parler d’une association de toutes ses qualités, mais d’une grande intelligence de course, qui lui avait permis de remporter, en 2006, la douzième étape de la Vuelta, en échappée, devant Bart Dockx et un certain Paolo Bettini. Pourtant, il n’y avait dans cette victoire rien qui permettait de penser que Paolini était réellement fort. Il avait certes remporté l’étape, mais avait réglé une échappée, étant le meilleur sprinteur du groupe. En réalité, c’est bien sur ce Tour d’Italie 2013 qu’il a obtenu sa plus belle victoire. Et il n’y a pas photo. Sur son Tour national, Paolini a pourtant une histoire plus qu’atypique: Il n’a jamais participé au Giro avant cette saison 2013, et découvre donc à 36 ans les joies de participer à un Grand Tour sur ses terres. De plus, sa victoire a été acquise en force, en attaquant dans les derniers kilomètres et en devançant certains des meilleurs coureurs de Grands Tours de ces dernières années: Cadel Evans, Ryder Hesjedal, Bradley Wiggins… Cette victoire, qu’il a obtenue en étant le plus fort dans le final, fait déjà de Paolini l’un des hommes forts de cette édition 2013, l’un des hommes qui, assurément, resteront dans nos mémoires. Bien plus longtemps qu’un Wiggins ou un Bouhanni. Si l’italien a bien une chose à se reprocher, c’est de ne pas avoir découvert le Giro plus tôt.

Paolini, la récompense tardive d’une carrière sous-estimée