En dépit d’une similarité patronymique avec le petit-fils d’Achille Zavatta, Warren Barguil n’a rien d’un clown sur un vélo, même si la rondeur écarlate des nez factices de ces derniers peut rappeler les pois rouges qui, dans l’imaginaire collectif (Tour de France oblige), ornent les parures de meilleur grimpeur.
Un grimpeur, voilà ce qu’est Warren Barguil. Un excellent grimpeur.
Pour preuve, le Morbihannais, déjà nanti d’un contrat professionnel pour 2013 chez les Néerlandais d’Argos-Shimano (équipe qui fut la première à le contacter et où figure un dodu contingent français**), vient de s’adjuger voici peu le Tour de l’Avenir, épreuve probante s’il en est puisqu’à son palmarès illustre figurent, entre autres, Gimondi (1964), Zoetemelk (1969), LeMond (1982), Mottet (1984), Indurain (1986) ou encore Menchov (2001). Au cours de la dernière décennie, des étoiles montantes du peloton telles Talansky, Quintana, Van Garderen, Gesink, Mollema, Martin, Jeannesson ou bien Rui Alberto Faria da Costa sont de même montés sur le podium de l’épreuve réservée aux moins de 23 ans. Aussi ce succès prestigieux, acquis certes sur la plus infime des marges concevables (une seconde d’avance sur le Colombien Chamorro) dans une course à étapes – sauf à s’appeler Jérémy Roy sur le dernier Tour du Limousin … –, mais auquel s’adjoint une belle victoire d’étape à Valloire et le gain des maillot vert (classement par points) et blanc à pois rouges (classement de la montagne) tous deux subtilisés le dernier jour, vient valider et parachever le parcours quasi sans faute accompli jusqu’ici.
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Giant (pas seulement le vélo)
Champion de France junior et lauréat de la Classique des Alpes junior en 2009, 5e du Tour de l’Avenir 2011, Warren Barguil a en 2012 encore grimpé un échelon, s’affirmant sans conteste possible comme le meilleur Français de sa catégorie (ce que prouve sa domination au Challenge Vélo Magazine Espoirs 2012), capable d’exprimer son talent aussi bien dans les rangs Espoirs*** que lors des quelques courses effectuées face aux professionnels. Ainsi a-t-il terminé troisième du Tour d’Alsace derrière Tiernan-Locke et Pliuschin ; il s’est de même illustré sur le Tour de l’Ain en terminant 6e de l’étape menant les coureurs jusqu’à Septmoncel, juste derrière John Gadret, s’offrant de plus l’audace d’attaquer le lendemain dès les contreforts du col de Menthières au nez d’une concurrence pourtant amplement fournie en bons grimpeurs (Talansky, Gadret, Moncoutié, Pinot, Bardet, Rolland, Navarro, Coppel, etc.).
C’est d’ailleurs le Tour de l’Ain qui l’année précédente, l’a révélé aux yeux du milieu pro. Christian Guiberteau, directeur sportif de Skil-Shimano (depuis devenue Argos-Shimano), le découvre dans la rude escalade du col du Grand-Colombier, alors qu’il suit son jeune néo-pro Thomas Damuseau, membre d’une échappée où émargent Pinot, Taaramae ou Moncoutié. Un seul coureur reviendra de l’arrière sur ce groupe. Il s’agit de Warren Barguil, maillot blanc de meilleur jeune (qu’il s’adjugera finalement devant Bardet et Pinot) sur le dos. Du fait de son allure (grand, maigre, mate, à la Juan Mauricio Soler) et de son aisance, Guiberteau le confond avec un Colombien. Cette flatteuse confusion amène nécessairement à une approche de la part de celui qui est missionné par l’équipe néerlandaise pour repérer de jeunes talents : « On ne pouvait pas ignorer un tel talent. On a pris contact. Il était très honoré par cette démarche. On a évoqué sa carrière. Nous étions d’accord pour qu’il fasse encore une année chez les amateurs. »
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Vanille ou fraise ?
Pour cette saison 2012, la fameuse « année supplémentaire », Barguil, désirant prendre du coffre et progresser en montagne, a quitté l’A.C. Lanester, son club formateur, et traversé la France d’ouest en est pour s’installer en Franche-Comté, au C.C. Etupes, l’ancien club de Kenny Elissonde et de Thibaut Pinot dont le frère Julien occupe les fonctions d’entraîneur.
De là à voir ici une volonté de bénéficier du sillage du récent 10e du Tour de France, une ambition de capter quelques miettes des atouts qui ont permis à Thibaut Pinot de se hisser parmi le cénacle des meilleurs montagnards de la planète, il n’y a qu’un coup de pédale. Celui du grimpeur, que Barguil perfectionne, patiemment, avec force méthode (Barguil a négocié avec Argos d’avoir un capteur de puissance SRM pour le substituer à son PowerTape dont il se servait jusqu’ici) et enthousiasme.
L’année prochaine, Barguil rejoindra donc l’étiage professionnel et ne tardera sans doute pas à se coaguler à la nouvelle vague des jeunes Français prometteurs et décomplexés : Rolland, Offredo (qui font tous deux quasi figure d’anciens), Pinot, Gallopin, Demare, Bouhanni, Geniez**** ; on a hâte de voir ça. Avant cela toutefois, reste un dernier objectif majeur, les Championnats du Monde, dont le parcours, tracé autour de Valkenburg, pourrait pourquoi pas lui convenir, qu’il s’agisse d’être le leader de l’équipe de France ou un équipier de luxe pour ses camarades tricolores. Barguil en a en tout cas fait son ultime objectif avant de passer le Rubicon. S’il y parvient, il égalera Romain Sicard, dernier Français à avoir réalisé ce doublé historique ; il faudra juste croiser les doigts pour qu’il connaisse un sort plus heureux que le Basque.
Mais si Warren est un peut-être un prénom affilié aux clowns, gageons que ce n’est pas pour autant qu’il sera un clone. Ni de Pinot, ni de Sicard, ni de personne ; une fois dans l’arène, Warren tracera sa propre route. Vers les sommets ?
** L’équipe Argos-Shimano compte dans son effectif 2012 six coureurs hexagonaux : Bonnin, Damuseau, Geniez, Huguet, Hupond et Sprick. Un chiffre auquel il faut donc ajouter une unité, Warren Barguil, stagiaire en cette fin d’année.
*** 1er de l’Essor Basque, de l’Essor Breton, 2e du Tour des Pays de Savoie avec une victoire d’étape consécutive à une échappée de 140km franchissant les cols de la Forclaz et du Cormet de Roselend, 3e du Tour de Franche-Comté avec deux victoires d’étapes dont celle de la Planche des Belles Filles, entre autres performances.
**** Geniez que Barguil viendra suppléer, le Ruthénois ayant déguerpi vers la FDJ, déçu certainement par sa non-sélection pour le dernier Tour de France.
 
ImageAvec une blonde et un Blaireau en parka.

 

Le prix du Barguil