Lassé Duval
C’était il y a une semaine, c’est-à-dire alors que Oscar Pistorius n’avait pas encore défouraillé sa douce le Jour des Amoureux, et avant que l’on apprenne que certains fournisseurs de plats surgelés n’avaient pas misé sur le bon cheval créant ainsi un effet bœuf. C’est vous dire si c’était il y a déjà une éternité dans cette société quadrillée d’autoroutes de l’information où ça buzze dans tous les coins, immense partouze où chacun s’empresse de sortir sa news, fût-elle flasque, vile et volatile. Mais bref, je m’emporte, et je préfère rester ici à causer de ce dont je voudrais vous causer.

Presque en même temps que le Pape Benoît XVI, le cyclo-crossman Aurélien Duval a annoncé via son compte Facebook qu’il stoppait définitivement la compétition. A vingt-quatre ans, on aurait plutôt tendance à parler de retrait que de retraite, à songer qu’il s’agit bien plus d’un ultime bras d’honneur orgueilleux plutôt que d’une acceptation de sa soudaine impuissance. En effet, Aurélien Duval figurait parmi les meilleurs Français dans l’exercice exigeant du cyclo-cross. Mais son caractère entier, vif-argent, et surtout une trouble affaire de contrôle positif à la norfenfluramine fin 2009 qui lui aura valu deux ans de suspension seront venus contrarier la trajectoire d’un coureur voué à devenir un champion ; Duval a été champion de France de cyclo-cross en juniors (2006), en Espoirs (2008) et en Elites (2012).

Ce dernier titre, obtenu à Lanarvily, avait scellé son retour fracassant dans le gotha hexagonal des sous-bois, où il avait été la premier depuis belle lurette à mettre en échec la régence de Francis Mourey sur les cyclo-cross français. Arborant pour l’occasion l’insolite maillot de Champagne-Charlott’ (noir et rose orné d’une mannequin en lingerie), il avait revêtu le tunique tricolore, contraignant Marc Madiot, le président de la Ligue Nationale de Cyclisme et par là-même préposé à la remise du maillot de champion national, à se défausser.

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Remonter la pente
 
De quoi renforcer sa posture de maudit, de paria. Car en 2009, Duval appartenait à la FDJ, dirigée par Madiot. Le double vainqueur de Paris-Roubaix a vécu comme une trahison le contrôle positif de Duval le 1er octobre 2009, lors du Circuit Franco-Belge. Le cas est pourtant ambigu, ainsi que l’affirmait dans Vélo Magazine son formateur de l’EC Villers-Semeuse-Boulzicours (Ardennes) Frédéric Bonotti : « J’ai toujours été convaincu qu’il n’a pas fait de faute. C’est un produit incolore, inodore, qui n’est plus commercialisé depuis de nombreuses années en Europe, qui sert à maigrir alors qu’Aurélien n’a pas besoin de perdre du poids en fin de saison. Aujourd’hui, il ne prend même plus un Doliprane®, il refuse une bouteille d’eau déjà ouverte … C’est devenu une obsession. »

Une paranoïa qui se couple à cette blessure à l’ego de voir qu’en dépit de sa fort belle saison hivernale 2012, ponctuée de la consécration bleu-blanc-rouge seul face au trident FDJ Mourey / Chainel / Jeannesson, aucune phalange professionnelle ne daigne l’accueillir en son sein. D’où une évidente perte de motivation.

5e des derniers « France » et sélectionné pour les Championnats du Monde de Louisville, il avait préféré décliner l’invitation du coach national Pierre-Yves Châtelon. « Aurélien a été très honnête, explique ce dernier. Comme il est très exigeant avec lui-même, il m’a dit : ‘‘Je ne marche pas, je ne veux pas coûter de l’argent à la Fédération pour finir 15e. Il y a d’ailleurs 80 % de chances que je ne sois plus coureur cycliste en 2013.’’ Bien sûr, j’ai essayé de le motiver de conserver son talent pour la suite des événements mais Duval reste Duval. »

Duval reste Duval. Un euphémisme pour dire que, outre cette sulfureuse affaire de contrôle positif, Duval aurait des exigences et un tempérament difficiles à supporter. Deux éléments qui expliquent certainement, en partie tout de moins, cet incroyable silence de toutes les grosses armadas, qu’elles soient françaises (on pourrait le comprendre, vu la position de Madiot à la LNC et les engagements forts pris par les formations hexagonales vis-à-vis des « tricheurs ») mais plus encore belges, pour s’adjoindre ses précieux services. Dommage. Pour lui, comme pour nous.

Car un sportif qui se retire à vingt-quatre ans, ça laisse toujours un arrière-goût de gâchis. Espérons qu’il ne regrettera pas, plus tard, quand aura sonné, les ans passant, le glas définitif d’un éventuel retour dans le barnum du bourbier, ce choix cavalier. Cavalier seul. Encore une histoire de cheval, décidément. Mais puisqu’il a choisi de tourner l’étalon …

Lassé Duval
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