Le nom de Patrick Chassé ne doit guère vous être inconnu. Voix de PCM depuis les prémisses du jeu, il fut pendant près de quatre lustres (1991-2010) le commentateur dédié au cyclisme sur l’antenne française de la chaîne sportive câblée paneuropéenne Eurosport. Après avoir été poussé à démissionner d’Eurosport, il continue néanmoins à s’investir dans le milieu du vélo via sa société Velobs, afin de promouvoir au mieux la densité et la richesse du cyclisme français.
Difficile donc de trouver plus crédible pour évoquer l’actualité cycliste, parler de l’évolution de ce sport, dévoiler une partie des coulisses, exposer quelques tiraillements du métier de journaliste sportif. Entretien en Chassé-croisé (je m’étais promis de la faire celle-là …).

 

PCM France : Quelle est votre réaction à l’affaire Armstrong, vous qui avez démissionné d’Eurosport suite à votre désaccord sur la ligne éditoriale de la chaîne (et notamment l’émission « Planet Armstrong ») ?
Patrick Chassé : Il faut toujours se réjouir quand la vérité éclate au grand jour. Surtout quand ce que l’on dit aujourd’hui vient compléter et densifier ce que L’Equipe nous avait révélé le 25 août 2005. A l’époque, la formidable enquête de Damien Ressiot (NDLA : journaliste traitant du dopage à L’Equipe) apportait la preuve d’un réel cas de dopage concernant Lance Armstrong, lors de son premier Tour victorieux en 1999. Mais les faits étaient déjà prescrits et, dans le même temps, le coureur faisait ses premiers adieux à la compétition. Lors de son come-back en 2009, beaucoup ont fait mine d’ignorer ces fautes avérées pour lesquelles il n’avait pas été jugé. On lui a carrément déroulé le tapis rouge ! Je suis déçu pour le Tour de France, que tant de coureurs ont abîmé ces dernières années. Mais j’aurais aimé que ses dirigeants se montrent moins accueillants lorsque le coureur américain est réapparu au départ de leur épreuve. Ne serait-ce que pour montrer un peu de considération envers ceux qui refusaient de tricher.

PCMF : Suite à votre démission d’Eurosport, vous avez décidé de co-créer Velobs, une société de production audiovisuelle et de contenus web centrée sur le cyclisme : pourquoi ? Trouviez-vous qu’il y avait des manques dans ces domaines ?
PC : Avec mon associé Philippe Audry, nous avons fait le constat, il y a deux ans, qu’il y avait d’un côté le vélo que l’on montre à la TV et de l’autre le vélo où les coureurs français s’illustrent. C’est rarement le même ! Si depuis trois ans le niveau des Français progresse, une grande majorité des pros de notre pays ne participent pas (ou peu) aux épreuves World Tour. Pour dix équipes pros françaises, deux seulement possèdent la licence World Team. Et il y a peu de chance pour que cela change dans les années à venir, à cause de la mondialisation en marche.
Que le vélo devienne un sport majeur dans le monde entier, c’est formidable ! Mais si les Français veulent tenir leur rang dans ce sport, il faut aussi veiller au calendrier des courses qui sont organisées dans l’hexagone. Et ça passe par plus de visibilité sur les écrans TV.

PCMF : Si une chaîne comme BeInSport, pour qui vous avez récemment proposé, via Velobs, de couvrir certaines courses « historiques » du calendrier français, vous propose de commenter lesdites épreuves cyclistes, accepteriez-vous ou non ?
PC : Pour l’instant, je me borne à leur proposer un calendrier de courses françaises pour lesquelles la Ligue (LNC) a mandaté Velobs. Je serai ravi que l’on me propose de commenter à nouveau chez BeInSport ou ailleurs, mais je souhaiterais vraiment le faire pour une télévision qui diffuse du vélo parce qu’elle croit dans les valeurs de ce sport et pas uniquement parce que l’on trouve sur le marché des belles courses « pas chères » ou encore parce qu’il faut boucher des espaces vides en semaine dans une grille de programmes. Je ne veux plus être désigné par mes pairs comme un bonimenteur de foire, avec d’un côté des affaires de dopage qui éclatent sans arrêt au-dessus de nos têtes et en dessous des patrons de chaînes interloqués par les bonnes audiences du vélo dont ils ne comprennent ni l’enracinement, ni la popularité.

PCMF : Lorsqu’on est commentateur, est-ce qu’on fait attention à ce que disent les internautes sur les forums ; je pense notamment aux commentateurs de France Télé qui se font régulièrement tirer dessus à boulets rouges ?
PC : Je n’espère pas pour eux ! Moi, je n’y faisais pas trop attention non plus, même s’il m’arrive maintenant de les lire avec curiosité. Peut-être parce qu’on y est plus élogieux à mon égard que par le passé … quand je commentais ! C’est difficile de plaire à tout le monde, sauf quand on n’est plus là. On ne pourra malheureusement pas poser la question à Laurent Fignon. Mais, croyez-moi, sur ce point, je crois bien que l’on serait tombé d’accord.

PCMF : Vous avez participé à vos débuts à la renaissance de L’Idiot International : avec le recul quel regard portez-vous sur ce journal assez iconoclaste ?
PC : C’était un journal prestigieux – créé par Jean-Paul Sartre – que Jean-Edern Hallier, bien avant de mourir en tombant de son vélo à Deauville, avait relancé en 1989. Je sortais de l’école de journalisme et cette expérience m’a appris à écrire un peu mieux et à lire beaucoup plus ! Notre rédaction, c’était le Far West avec ses cowboys, quelques Indiens, de vraies bagarres de saloon parfois, une ou deux danseuses aussi. Et si mes souvenirs sont exacts, c’était avant la prohibition ! L’Idiot m’a permis de vivre la « Révolution de velours » à Prague, et dans la foulée, la révolution roumaine à Timisoara, les premières élections démocratiques en Algérie … J’ai participé à l’aventure pendant la première année de L’Idiot. Une poignée de journalistes et une armée mexicaine de dessinateurs et d’écrivains. J’y ai connu Christian Laborde (1), mais l’un et l’autre ignorions notre passion commune pour le vélo. De toute façon, le sport n’avait pratiquement pas droit de cité dans les colonnes de ce journal. Et moi, je ne mouftais pas.

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Mi-Droopy, mi-Krusty le Clown sans maquillage

PCMF : Vous êtes arrivé sur Eurosport en 1991, dès les débuts de la chaîne. Comment vous a-t-on contacté et avez-vous hésité avant de rejoindre une chaîne TV tout juste naissante ?
PC : C’est Daniel Pautrat (NDLA : ancien commentateur de TF1, spécialisé dans le ski et le cyclisme) qui m’a proposé de rejoindre Eurosport dès le lancement de la chaîne. Il en était devenu le premier directeur. Je l’avais connu à l’Institut Pratique de Journalisme, peu auparavant. J’étais bien content de trouver un job à Paris, car depuis plusieurs mois j’enchaînais les petits contrats dans les « locales » de Radio-France, en province, et mon fils aîné était sur le point de naître. Je n’ai pas du tout hésité. C’est toujours plus sympa de commencer une histoire que de la terminer. Après tout, je n’imaginais pas encore que j’y resterai 20 ans !

PCMF : Qu’est-ce qui vous a le plus surpris lorsque vous êtes devenu journaliste sportif, voire journaliste tout court, par rapport à l’image que vous aviez de ce métier ?
PC : J’étais très complexé par rapport à mes aînés dans la profession, encore plus dans le sport – où je n’avais pas une grosse culture – que dans d’autres domaines. D’une manière générale, j’ai toujours été surpris par les certitudes affichées par mes confrères sur des sujets qu’ils ne maîtrisent pas toujours très bien. Écoutez, par exemple, un journaliste spécialisé en foot parler de vélo, c’est le plus souvent vraiment très douloureux. Demandez à mes confrères si moi je me risquais à parler de foot avec eux … ; à tel point que certains pensaient que j’en ignorais les règles ! Mais ce qui m’a le plus surpris quand j’étais à Eurosport avec mes collègues étrangers, c’était les différences de sensibilité d’un pays à l’autre. Nous pouvions partager la même passion pour le vélo, la même admiration pour les champions, mais nous ne pouvions pas faire abstraction de nos divergences culturelles sur des questions récurrentes comme la lutte antidopage.

PCMF : Comment prépare-t-on le commentaire d’une course cycliste ?
PC : Comme Fidel Castro avant chacun de ses meetings : des pages et des pages griffonnées pour tenir des heures durant ! Normal, le commentaire vélo est le plus bavard, tous sports confondus. Vous voulez mon avis ? On devrait les payer quatre fois plus que les commentateurs de tennis ! C’est aussi pour cette raison qu’il est difficile techniquement de faire des commentaires sur PCM aussi précis que sur FIFA par exemple. En vélo, le factuel est parfois très pauvre (notamment « sur ces lignes droites interminables … »). D’autre part, je crois que pour faire un bon commentaire, le repérage sur le terrain est plus important que les discussions que l’on peut avoir avec les coureurs avant le départ. Et si vous ne reconnaissez pas bien les coureurs, faites comme moi : laissez parler Jacky Durand !

PCMF : Etant donné qu’il y a nécessité à avoir des liens étroits avec la matière qu’on traite, n’y a-t-il au bout d’un moment un danger de collision, de collusion entre les intérêts des médias et les intérêts du sport et du spectacle sportif ?
PC : Ici comme ailleurs. Après c’est une question de conscience professionnelle. Quand on doute de son objectivité, je crois que c’est bien de le faire savoir aux gens qui vous écoutent. Mais ne perdons pas de vue que tout cela n’est qu’un jeu, à moins évidemment de copiner avec des bandits.

PCMF : Aviez-vous le droit de tout dire ou y avait-t-il certaines choses que vous taisiez, par obligation ou par choix (sans qu’il y ait nécessairement de mal de ça …) ?
PC : Non, on ne dit pas tout. Mais ce que l’on ne dit pas n’est pas forcément le plus important. Je crois prendre mes aises pour dire ce que je sais et aussi, parfois, pour dire ce que je pense. L’important c’est de ne pas trahir sa sincérité. Par exemple : j’ai beaucoup d’estime pour Alain Gallopin qui m’a souvent accordé sa confiance. Pourtant, un jour, j’avais dit que son CV ressemblait à une descente aux enfers. Il m’en a voulu. Je le pensais vraiment. Comme c’est un type extra, en le voyant partir chez Riis puis chez Bruyneel, ça m’a forcément rendu triste à un moment. J’aurais voulu qu’il reste dans le camp des Casar ou Moncoutié plutôt que de partir coacher des coureurs qui étaient probablement de grands champions , mais encore plus sûrement des champions toxiques.

Y a-t-il une ambiguïté lorsqu’on dénonce le dopage au commentaire alors que son consultant a déjà été convaincu de dopage pendant sa carrière ? Comment gère-t-on ce positionnement délicat ? A ce propos, un commentateur a-t-il un droit de regard sur le choix de son consultant ou celui-ci est-il dicté par l’état-major de la chaîne ?
PC : En vingt ans, Il n’y a qu’un seul consultant que je n’ai pas choisi moi-même. C’est Richard Virenque. Ce n’était pas mon idée, mais je ne dirais pas pour autant que c’était une erreur. Et surtout pas concernant sa relation au dopage. Il est d’ailleurs le seul à en parler pratiquement librement. Normal, puisque, le concernant, le grand déballage a eu lieu sur la place publique. On ne peut pas faire abstraction de notre époque. Et puis, au risque de choquer, je crois que le consultant a davantage valeur de témoin que d’éducateur. Quand bien même, je n’ai jamais entendu un consultant faire l’apologie du dopage à l’antenne. Beaucoup de jeunes licenciés affirment avoir découvert et aimé le vélo grâce à Lance Armstrong ou Richard Virenque. Ils les appréciaient en tant que champions et pas en tant que dopés, même s’il faut bien admettre que sans dopage, ils n’auraient pas été aussi charismatiques …

PCMF : Vous avez écrit en juillet dernier sur Rue89 un article intitulé « Ce n’est plus le dopage qui menace le Tour, c’est l’ennui ». D’où deux questions. La première : pensez-vous que le public s’intéresserait toujours à une compétition factice et inéquitable (avec une libéralisation du dopage), du moment qu’elle est spectaculaire (sur le modèle du catch en somme) ? La deuxième : si on vous donnait les mains libres pour réformer le cyclisme afin de lui donner plus d’intérêt, quelles décisions prendriez-vous en ce sens ?
PC : Des milliers d’étrangers viennent en France chaque année au mois de juillet pour assister au Tour de France. Vous connaissez beaucoup de gens qui passeraient leurs vacances au bord d’un ring de catch ? Pas moi.
Ces deux dernières années, la vitesse moyenne du Tour était inférieure à 40 km/h. Ce qui n’était pas le cas auparavant dans les années 2000. En roulant un ou deux kilomètre/heure moins vite sur trois semaines, le Tour 2011 a-t-il pour autant été moins spectaculaire ? Sûrement pas. Le fait de rouler un peu moins vite rend-t-il le Tour forcément moins ennuyeux ? Au regard de ce que l’on a vu cette année, pas forcément. Il n’y a donc pas de dichotomie entre le dopage et l’ennui, même si certaines causes sont peut-être communes (l’appât du gain, l’argent, l’entourage des coureurs …). Les problèmes que posent l’ennui, ce sont :

  • l’absence de prise de risque. On préfère jouer placé, plutôt que de prendre le risque de tout perdre.
  • la prime à la victoire sans distinction sur la manière. Ainsi, être le plus rapide sur 200 mètres à l’issue d’un sprint massif finit par avoir la même valeur que de s’imposer en solitaire, en ayant lâché tous ses adversaires à la pédale.

On comprend mieux pourquoi un nombre croissant de courses se disputent au sprint. Si l’on veut préserver la notion d’exploit dans ce sport, il faut revaloriser la prise de risque, la course de mouvement et la victoire détachée. Il faut aussi réduire le nombre de coureurs par équipe, et pas seulement dans les Grands Tours. Revenir à un cyclisme plus rugueux, sur des routes étroites et mal carrossées. Vive la ruralité !

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Y a-t-il un miroir ?

PCMF : Depuis que vous avez commencé votre carrière de journaliste sportif, qu’est-ce qui a le plus changé dans ce métier ?
PC : Le regard des médias sur notre sport ! Car s’il existe toujours un public familial fidèle au vélo, on ne trouve plus beaucoup de passionnés de ce sport parmi les grands patrons de presse, de radio ou de télévision. En fait il n’en existe plus aucun ! C’est très préoccupant … Si Charles Biétry (NDLA : actuel chef des sports de BeInSport, qui occupa le même poste à Canal + et à France Télévision) a révolutionné les retransmissions de foot du temps de Canal+, c’est parce qu’il adore ce sport. Personne n’a été surpris quand Alexandre Bompard (NDLA : ancien directeur des sports de Canal+, devenu patron d’Europe 1 puis de la Fnac) a acquis les droits de Grands Chelems de tennis, parce qu’il pratique lui-même assidûment ce sport. Laurent-Éric Le Lay (NDLA : actuel PDG d’Eurosport) ne se passionne que pour le golf et, concernant François Morinière (NDLA : actuel directeur général de L’Equipe), le lointain successeur d’Henri Desgrange, je n’ai jamais vu un seul de ses tweets commenter l’actu cyclisme.
Auparavant, les patrons des services des sports ou les patrons des grandes rédactions étaient souvent des mordus de cyclisme, que ce soit Georges De Caunes (NDLA : journaliste qui fut le premier commentateur du Tour à la télévision française et le premier présentateur du JT, ancien patron des sports de l’ORTF puis de TF1), Daniel Pautrat ou plus récemment Jean Réveillon (NDLA : ancien patron des sports de France Télévisions), Claude Droussent (NDLA : ancien directeur de la rédaction de L’Equipe), etc.

PCMF : Quelle est l’anecdote la plus drôle que vous ayez vécu dans le milieu cycliste, et que le grand public ignore ?
PC : Oh ! C’est une blague de potache, comme nous en avons beaucoup vécu de la part de Vincent Barteau, qui commentait avec Laurent Fignon à mes côtés sur Eurosport de 1994 à 2004.
Lors du Tour 97, dans les minutes qui précèdent notre prise d’antenne sur la ligne d’arrivée, Vincent – sûrement pour nous impressionner – s’arrange pour faire monter une magnifique jeune femme sur la tribune Eurovision. Pour que le « cerbère » chargé de contrôler les accès tribune accepte de laisser passer cette personne qui n’était évidemment pas accréditée, Vincent n’hésite pas à inventer un gros mensonge : cette beauté – selon lui – s’appelle Irina et n’est autre que la jeune épouse d’Alexandre Vinokourov. Nous étions à Saint-Étienne, la ville où le coureur kazakh avait élu domicile depuis son arrivée en France. Le stratagème fonctionne : Irina (à moins que ce ne soit Olga …) est autorisée à s’asseoir à côté de nous. Coïncidence, on retrouve dans le final parmi les deux coureurs qui se disputent la victoire d’étape, dont le jeune Vinokourov, dont c’est la première participation au Tour. Sur le cours Fauriel, Vino est finalement battu par son compagnon d’échappée, Salvatore Commesso. Nous rendons l’antenne, mais au moment de quitter la tribune, Marie-Hélène Bareille, l’assistante de Gérard Holtz accoure vers nous, avec le « cerbère » dans son sillage : « On me dit que la compagne de Vino est avec vous. C’est formidable ! Gérard Holtz la veut tout de suite sur le plateau ! ». Irina se liquéfie en m’implorant d’un regard désespéré. Et moi, sous celui du vigile, me voilà contraint d’assumer le mensonge de Vincent. Je bredouille que c’est effectivement une bonne idée… malheureusement, c’est impossible !
– « Mais pourquoi ? », me rétorque Marie-Hélène, en dévisageant la belle Irina.
– « Elle ne parle pas un mot de français ! »
La jeune femme, en réalité, originaire du Puy-en-Velay, en reste bouche bée, tandis que nous éprouvons les pires difficultés à retenir encore quelques instants un irrépressible fou rire, le temps que l’assistante de France Télévision et notre ami vigile, tous les deux forts dépités, aient enfin tournés les talons.
Hélas, l’histoire ne dit pas ce qu’il serait advenu de la supercherie si Gérard Holtz, ou quelqu’un de son entourage, avait opté pour le russe en deuxième langue au collège ! (2)

PCMF : Etes-vous optimiste pour le présent et l’avenir du cyclisme français, que ce soit au niveau structurel (organisations et financement des courses, financement et gestion des équipes, etc.) ou celui de la compétition à proprement parler ?
PC : C’est une question difficile. Car parmi tous les gens qui dirigent ou participent au développement de ce sport, tout le monde ne pédale pas dans la même direction. La concurrence des autres sports est de plus en plus pressante. Le monde pro doit régler son problème d’image et commencer par se montrer plus solidaire. Quand je vois que les coureurs et les équipes réclament à l’UCI une redistribution des droits TV, ça me fait doucement rigoler. C’est l’un des sports les plus coûteux à produire et pour lesquelles les chaînes de télévision ne sont pas prêtes à payer davantage. Seul le Tour de France et, dans une bien moindre mesure, le Giro génèrent des sommes conséquentes qui vont bien au-delà des coûts de production. Ils vont se partager quoi sur 90% des épreuves du calendrier ? À votre avis, il est à combien le spot de pub archi-multi-diffusé de la petite PME italienne qui fabrique les chaussures Sidi ?

PCMF : Vous êtes la voix du jeu Pro Cycling Manager depuis 2004 : comment ça se passe pour « faire la voix » de chaque nouvel opus ?
PC : Ça se passe enfermé dans une cave avec Jacky Durand pendant trois jours, au pain et à l’eau ! Non plus sérieusement, je suis bien content de retrouver mon ancien complice d’Eurosport, ne serait-ce que pour un job de trois jours. On y met du cœur, de la bonne humeur. On souhaiterait même aller beaucoup plus loin dans la fiction, mais nous sommes encore terriblement bridés par les contraintes techniques.

PCMF : Si vous deviez donner quelques conseils à ceux (et il y en a sur PCM France …) qui souhaiteraient devenir journalistes sportifs, quels seraient-ils ?
PC : Ouf ! J’ai cru que vous alliez me demander des conseils pour bien jouer à PCM !
Moi, je suis de la génération des premières radios libres. C’était une première ouverture sur ce qui deviendra plus tard les fameux « social medias » avec l’arrivée d’Internet. Aujourd’hui, les outils ne manquent vraiment pas pour permettre à un journaliste en herbe de se faire les dents. Il n’y a plus vraiment d’obstacle technique. Il suffit de foncer tout en travaillant les fondamentaux : la langue française et la vérification des sources, notamment.

PCMF : Etes-vous un grand joueur de Pro Cycling Manager ?
PC : Non. Je dois être honnête, si j’ai joué un peu avec mes garçons il y a quelques années, je ne le fais plus aujourd’hui. Mais le petit dernier de la famille n’a que six ans. Tôt ou tard, il finira bien par découvrir PCM et la voix virtuelle de son papa. Comme ses grands frères, gageons qu’il finira lui aussi par fouiller dans les options pour couper mes commentaires !

(1) Christian Laborde est un écrivain français révélé par L’Os de Dionysos (1989). Passionné par le cyclisme, il a notamment écrit Pyrène et les vélos (1993), L’Ange qui aimait la pluie (1994), Le Roi Miguel (1995), ou Le Dictionnaire amoureux du Tour de France (2007).
(2) Cette anecdote, pour très drôle qu’elle soit, n’a pu se produire spatio-temporellement ainsi que le raconte Patrick Chassé. En effet : en 1997 il n’y avait qu’une seule arrivée à Saint-Etienne, pour la fameuse boucle contre-la-montre où Ullrich écrasa la concurrence ; en 1997, Vinokourov n’était pas encore un coureur professionnel puisqu’il ne passa à cet échelon que l’année suivante, chez Casino ; enfin, le duel entre Commesso et Vinokourov n’eut lieu que trois ans plus tard, lors du Tour 2000, à Fribourg-en-Brisgau, loin du Forez et du cours Fauriel.

 

 

 

Interview Patrick Chassé