Le coureur français Dompière

Jeudi 18 septembre, 21H. Je reçois un message d’un vieil ami, dont le nom est mondialement connu sur PCMF, D4MSZCZKU, qui me demande alors de l’interviewer. Pourquoi me demanderez vous ? Pourquoi faire cette interview dont le ton est un peu moins léger que d’habitude ? La raison est simple : le triple vainqueur du récit du mois avait des choses importantes à dire, et c’est tout naturellement qu’il a choisi PCMF pour exprimer sa pensée.

422406dompierreattaque

Bonjour Damien (je vais t’appeler par ton vrai prénom car ton pseudo fait trop de points au scrabble pour moi), alors en préambule de cette interview, pourrais-tu te présenter pour les forumeurs les plus jeunes (très jeunes même) qui ne te connaissent pas ?

Salut !
Je m’appelle Damien Montinet, j’habite à Nancy et je vais avoir 20 ans. Je suis en école d’infirmier et je pratique le cyclisme en compétition (du moins, je reprends).
Ça, c’est pour la présentation « basique ». Sinon, mon pseudo est D4MSZCZKU et je suis sur le forum depuis plusieurs années déjà où j’ai principalement été actif dans la section récit puisque j’aime le graphisme et l’écriture.

Justement, entrons dans le vif du sujet avec ta passion (en plus de Megan Fox) : le vélo. Quel club a la chance de t’avoir en son sein, quel est ton palmarès et surtout quel type de coureur es-tu ?

C’était officieux depuis un moment mais c’est officiel depuis cette semaine, je signe l’an prochain au Team Macadam’s Cowboys (basé en Lorraine) en Division Nationale 3. Pour ma reprise de l’entrainement en juillet après de longs mois sans rien faire, j’ai roulé près de 1500 kms et pareil le mois suivant. Après une saison sans course (ou presque puisque j’ai participé à 2 courses en août en tant que non licencié), je serai quand même en 2e catégorie l’année prochaine ce qui me permettra de faire les manches de Coupe de France.

Au niveau du palmarès, depuis les rangs minime 2, j’ai seulement 11 victoires. La plus belle s’est déroulée il y a 2 ans en première catégorie lors de l’inter-région des clubs du Grand Est à Landrecourt où il y avait quand même une paire de coureurs costauds et en bonne forme (ndlr : notamment Gérard Beghin de Haguenau avait décroché la 9e place en finale de Coupe de France DN1 la semaine passée).

J’ai du mal à m’attribuer un profil de coureur. Tant que les courses ne se font pas dans les virages ou dans les descentes, tout me va plus ou moins.

Wow, si ça c’est pas de la présentation ! Mais continuons dans ton univers. Comme tes 258 followers sur Twitter peuvent le voir, tu fais aussi une école d’infirmier. Alors tout d’abord peux-tu nous parler un peu de ce qui se profile pour devenir (peut-être) ton futur métier, et surtout de la difficulté de concilier tes études avec un entraînement rigoureux ?

T’es sacrément renseigné !
C’est vrai que j’ai laissé plus ou moins de côté le vélo à cause des études. Je savais que le premier semestre allait être lourd en charges de travail. Je sortais d’une saison où j’avais eu différents pépins de santé (fragilisation du cartilage rotulien, vertèbres déplacées et d’autres choses) et où je n’avais pu retrouver un niveau convenable qu’à la toute fin de saison (6e à Landrecourt et 14e de la Charly Gaul où j’avais terminé 6e l’année passée alors que j’étais encore seul en tête sous la flamme rouge). Je n’étais pas motivé à faire un hiver studieux. J’ai profité et j’ai beaucoup joué aux jeux vidéos en compétition. Sauf qu’avec le temps, j’ai commencé à péter un câble car je ne me sentais plus bien physiquement et car le temps que je ne passais pas sur le vélo, je le passais finalement derrière un écran.
Désormais, je vais faire en sorte de refaire les choses bien et de concilier au maximum les deux. Cet hiver, au lieu de rentrer de cours ou de stage et d’allumer l’ordinateur, je monterai sur l’home-trainer.

Des entraînements, tu en as fait des dizaines et des dizaines (pour ne pas dire des centaines et des centaines), mais est-ce qu’un entraînement t’as particulièrement marqué ?

Oui, il y a forcément des entrainements plus marquants que d’autres tant certains sont monotones. Il y a deux ans, j’ai vraiment progressé l’été car j’ai eu la chance de m’entraîner avec Florian Vachon (Bretagne-Séché) durant une semaine en vacances. Lorsqu’il faisait du seuil, j’essayais de tenir le plus longtemps possible : c’est mieux que du derrière scooter. C’est vraiment un mec génial. D’ailleurs, je suis toujours en contact avec lui.
Plus récemment j’ai été me faire une sortie de 6h20 dans les Pyrénées-Orientales. A la fin, j’avais 135km mais surtout 4627m de dénivelé positif. Je suis rentré sec. J’ai aussi tapé une sortie de 7h à la rentrée où j’ai fais 208km où je suis passé dire bonjour à mes grands-parents avant de revenir à mon appartement. Ils se demandaient ce que je faisais là en pleine semaine et en vélo.

Est-ce tu gardes une bonne expérience de ta « période jeux vidéos » ou au contraire regrettes-tu que ça t’aies autant éloigné du vélo ?

J’ai passé de bons moments et rencontré des gens superbes donc il n’y a pas que du négatif même si je pense que, lorsque je faisais toutes ces choses en même temps, j’ai perdu énormément d’influx nerveux et j’aurais pu être plus performant sur le vélo. Mon père me le disait, j’en ai fait qu’à ma tête. Ça m’a finalement servi de leçon.

Penses-tu qu’à l’avenir, tu pourras concilier tes études avec le cyclisme ?

Comme je l’ai dis précédemment, le fait que je ne joue plus aux jeux vidéos me libère du temps. C’est à moi de m’organiser au mieux désormais. Je sais qu’il y a des périodes, notamment durant les examens ou les stages s’ils sont intensifs, où ce sera plus compliqué mais je ferai avec. J’ai 3 ans à faire pour le moment même si je pense me spécialiser par la suite ou alors repartir en médecine.

Donc pour toi, le vélo n’est qu’un « passe-temps » ?

La question cachée que tu me poses, c’est est-ce que j’aimerais un jour passer professionnel ? Si oui, je ne vais pas dire non. C’est un rêve pour tout cycliste. Les places sont chères et pour être honnête, je ne pense pas avoir les moyens de décrocher un « ticket », comme la jeune génération de juniors lorrains actuelle avec Bouhanni, Idjouadiene ou encore Didelot. Mais sait-on jamais … Si on ne rêve pas, c’est qu’on est mort au fond de soi. Concrètement, j’espère retrouver au plus vite mon niveau d’il y a deux ans et progresser encore pour aller le plus loin possible mais le tout en assurant mon avenir.

Toi qui est un ancien des anciens, comment voies-tu l’évolution de PCMF ?

PCMF est une communauté sympa regroupant des cyclistes et fans de cyclistes. On y trouve de tout. Le site se développe bien puisqu’il y a désormais depuis un petit moment ce genre d’interviews, notamment avec des coureurs professionnels qui, pour certains, passent de temps en temps voir ce qui se passe. Même s’il faut noter que l’activité est moins importante qu’il y a un an ou deux.

J’ajouterais surtout que le forum est pris en main par des gens bons, formidables et extrêmement intelligents.
Toi qui est maintenant un cycliste qui écume les pelotons des divisions inférieures depuis un bout de temps, as-tu été témoin de grands changements dans le cyclisme ?

Non. Les courses chez les amateurs se courent toujours de la même façon, sauf sur certaines premières catégories ou sur des Élites où il y a vraiment des formations qui prennent les choses en main. C’était notamment le cas l’an dernier lorsque j’ai participé au Tour du Piémont Vosgien. Je n’étais pas vraiment en grande condition mais j’avais terminé l’épreuve. Quand les mecs de Lotto-Belisol ou de la réserve Omega Pharma-Quickstep vissaient à l’avant, je peux t’assurer que je ne voyais que le cul du mec devant moi. Ça roule fort à une autre dimension comparé à des premières catégories. Je me souviens que j’ai été gêné par une chute dans les derniers kilomètres de l’arrivée sur la dernière étape. Finalement, on a réussi à revenir sur le paquet à une dizaine. Après ça, j’ai du commencer à sprinter à environ 700 m de la ligne pour tenir les roues dans le dernier faux plat avant de basculer sur l’arrivée. On roulait à 60 à l’heure dedans.

D’ailleurs, que penses-tu de la mentalité dans le monde du cyclisme, et en particulier des coureurs ?

Le monde du cyclisme est semé de difficultés. Malheureusement, il y a pas mal de mentalités qui m’exaspèrent.
Je ne parle pas forcément de mecs en course qui ne collaborent pas et en font le minimum pour être bien à l’arrivée. Chacun a sa façon de courir. Même si j’ai un tempérament offensif (parfois trop fougueux même), il faut bien reconnaître qu’être un « raton », cela paie plus souvent. Mais il y a gagner et gagner avec la manière.
Ce qui me gène beaucoup dans le vélo, c’est que certains t’accorderont de l’importance uniquement si tu fais de bons résultats. Dès que tu ne marches plus très fort, tu tombes aux oubliettes et les critiques commencent à fuser. On va critiquer ta façon de courir, ta façon de t’entrainer et ainsi de suite… Alors, quand tu galères pendant des mois, cette pression devient pesante par la suite. Il faut y faire le plus possible abstraction. Ce sport est déjà assez fatigant sans tout cela. Et puis, la réponse se donne sur le vélo.

Si jamais tu as un rêve à propos du vélo, te concernant ou pas, lequel serais-ce ?

Que les gens arrêtent d’associer le dopage au cyclisme. Et que l’on obtienne un peu plus de respect (ou simplement d’attention) de certains automobilistes sur la route.
Mais le deuxième choix en priorité je pense. Je préfère être vu comme une chaudière par quelqu’un qui ne connaît rien au vélo plutôt que de continuer à apprendre des décès de cyclistes à l’entrainement.

Avant de terminer, et vu que je parlais de ton compte Twitter il y a quelques instants, parlons de femmes, et plus précisément d’une femme présente sur ta photo de profil. Qui est-ce donc ? Elle ne ressemble pourtant pas à ta chère Megan …

Certainement une petite vermine insignifiante et sans scrupule.
Non, c’est ma copine. Elle fait ses études à Toulouse donc ce n’est pas évident pour se voir, mais on s’est fixé : le trajet chacun son tour une fois par mois.
D’ailleurs, c’est la première fois qu’une fille qui n’a pas d’admiration particulière pour le monde de la petite reine vient rouler avec moi sur une sortie de récup’ !
Elle est vraiment adorable.

Bon, espérons que la galanterie ne te pousse pas à la sauter sur la ligne.
Et enfin, pour conclure, quels conseils donnerais-tu à des jeunes cyclistes ?

Être coureur cycliste, c’est souvent être seul. C’est des tas de sacrifices, tu souffres à fond, surtout l’hiver quand tu dois aller rouler alors qu’il tombe des flocons. Quand tu rentres chez toi, tout ce que tu veux c’est te jeter sur ton canapé et boire une bière. Après ça, t’as même plus la force de bouger. Si tu veux faire du vélo en espérant voir le paysage, achète-toi un scooter. Mais malgré tout, quand la chance sourit, ça en vaut vraiment la peine.

Et bien merci Damien d’avoir partagé ton expérience avec nous !

Merci à toi. J’aimerais remercier le Team Macadam’s Cowboys qui me fait confiance pour 2015 malgré une année fantôme. C’est vraiment une équipe superbe tant humainement que sportivement dans laquelle se trouve de vrais amis. Je suis pressé que l’aventure commence. Un grand merci à ma famille, mes amis et à ma chérie ainsi qu’à tous ceux qui me soutiennent pour cette reprise.

• INTERVIEW RÉALISÉE PAR SCHLECKPOWER & AG2R

Damien Montinet, le futur du cyclisme lorrain