Photo de Simon Gerrans

C’est l’éternel débat. Chaque année, avant le lancement du premier monument de la saison, les observateurs se questionnent. Entre Paris-Nice, course française qui a vu triompher les plus grands, et Tirreno-Adriatico, épreuve plus récente mais qui a souvent vu passer les futurs vainqueurs de la Primavera, que choisir ? D’un côté, les coureurs ont fait leur choix. De l’autre, les organisateurs tentent de se rattraper. Le point sur cette situation difficile pour les deux épreuves, mais qui sert également de moteur à leur développement.

De Cancellara à Ciolek, une participation à Tirreno-Adriatico est le meilleur choix

Historiquement, Paris-Nice est une épreuve plus prestigieuse. Pourtant, lors des vingt dernières années, seuls 4 vainqueurs de Milan-San Remo sortaient de la Course au Soleil, alors que 16 avaient pris part à Tirreno-Adriatico. Cette année encore, on observe dans les participants un net avantage à Milan-San Remo. Ainsi, Fabian Cancellara, que l’on classe chaque année parmi les favoris alors qu’il n’est ni le meilleur puncheur ni le meilleur sprinteur, a déjà remporté les deux épreuves à la suite. C’était en 2008. Depuis, il réédite chaque année cette préparation, ce qui lui réussit plutôt bien : deuxième en 2011 et 2012 et troisième en 2013, il répond présent pratiquement chaque année et, quand la course se décante, il semble qu’une place sur le podium lui soit réservée. Cette année encore, il a opté pour la Course des Deux Mers, notamment en raison du contre-la-montre par équipe inaugural et, surtout, de celui qui clôt la course, mardi.

Mais, cette année, la Primavera semble promise à un sprinteur. Pour le parcours, plus plat qu’à l’accoutumée, mais surtout pour l’avenir de la course. Dès l’an prochain, Milan-San Remo deviendra bien plus difficile et les sprinteurs voient peut-être en cette année 2014 leur dernière chance de s’imposer, du moins pour ceux qui ne passent pas très bien les bosses. C’est le cas du trio Kittel-Greipel-Cavendish. Ce dernier, vainqueur de l’épreuve en 2009, sait qu’il ne part pas favori, loin de là. En difficulté depuis le début de saison, il ne prévoyait pas de courir l’épreuve italienne, mais le changement de parcours l’a fait changer d’avis. Pour le préparer au mieux, il est cette semaine sur Tirreno-Adriatico. Les deux allemands, qui n’ont jamais brillé sur la Primavera, ont fait le même choix. Eux savent que c’est sans doute la dernière chance de leur carrière de remporter un monument. Un constat difficile à accepter qui les a sans doute fait réfléchir longuement à leur préparation. Pourtant, ils ont choisi tous deux la Course des Deux Mers, qui réunit les meilleurs sprinteurs au monde. Peter Sagan, qui pourra quant à lui jouer sa carte les années prochaines grâce à son punch, a également fait le choix de courir en Italie. Question d’habitude, peut-être, mais il est là, et c’est ce qui sera retenu. Enfin, le tenant du titre Gerald Ciolek, qui avait surpris son monde l’année passée, a également fait le choix de rester en Italie pour se préparer au mieux. L’an dernier, il avait fait de même, terminant 3e et 4e des deux premières étapes. Après cinq jours de course, il n’a toujours pas signé le même top 100. Ce qui ne l’empêche pas d’être persuadé que Tirreno-Adriatico est la course à faire pour maximiser ses chances de victoire sur Milan-San Remo.

Gerrans

En face de ça, Paris-Nice fait presque peine à voir. Il y a certes deux anciens vainqueurs, Simon Gerrans et Matthew Goss, mais aucun des deux ne semble à son niveau et, tous deux vainqueurs surprises de la Primavera (respectivement en 2012 et 2011), ils ne rééditeront sans doute pas leur exploit. Ils le savent et le savaient déjà, probablement, avant le départ de la Course au Soleil. Vincenzo Nibali, troisième l’année du sacre de Gerrans, a quant à lui pris la décision de courir Paris-Nice, alors qu’il restait sur deux triomphes au général de Tirreno-Adriatico. Mais, encore en rodage, ses objectifs sont plus loin. Vainqueur du Giro l’an dernier, il revient sur le Tour de France avec de grandes ambitions, et Milan-San Remo ne s’est semble-t-il pas fait une place dans son coeur cette année. Aux yeux des candidats à la victoire, la donne est donc claire: Pour remporter Milan-San Remo, il faut passer par Tirreno-Adriatico. Un constat partagé par la majorité des favoris et outsiders de dimanche prochain.

Paris-Nice : Le parcours comme argument

Pourtant, Paris-Nice n’a pas dit son dernier mot. Le parcours de cette année a beaucoup été décrié, mais la Course au Soleil s’est finalement adaptée au mieux à sa position dans le calendrier pour permettre la meilleure préparation possible à Milan-San Remo. La Primavera est une course très longue, la plus longue de l’année. Pour être au mieux au départ, il vaut donc mieux avoir parcouru des kilomètres. En supprimant le prologue et le contre-la-montre habituels de ses huit jours de course, Paris-Nice a vu sa distance augmenter de plus de 250 kilomètres. Que des étapes en ligne, quand Tirreno-Adriatico commence par un contre-la-montre par équipe et se termine par un exercice solitaire, ça peut jouer dans la balance. De plus, le parcours de Paris-Nice était cette année plutôt plat, seule une étape se terminant en montée, à Fayence, et aucun col sérieux n’étant placé très près de l’arrivée. A l’inverse, Tirreno-Adriatico présente une étape dantesque dans le genre de celles que l’on a souvent vu se terminer à Chieti, et une étape de montagne qui, bien que se jouant sur des pentes douces, n’a franchement pas grand chose à voir avec la Primavera.

En fait, en sept jours de course, la Course des Deux Mers ne présente que deux étapes correspondant à peu près au parcours de Milan-San Remo, à savoir la deuxième et la troisième. Le reste: deux chronos, une étape de montagne, une étape très accidentée et une étape très plate. Cette année, il semble donc que le parcours de Paris-Nice soit plus proche de celui de la Primavera que son homologue italien, bien que, si l’on veut voir une longue étape, il faut être en Italie (les 237 kilomètres de l’étape de Cittareale, mais Paris-Nice propose tout de même 221 kilomètres vers Biot). Il n’y a pas de parcours parfait pour préparer Milan-San Remo, tout simplement parce que là n’est pas le but des organisateurs dans les tracés, mais il semble quand même que Paris-Nice était cette année plus apte à préparer un coureur à la Primavera, ce qui ne veut pas dire que les coureurs qui y ont pris part y étaient pour cette raison, ni que les coureurs ayant choisi Tirreno-Adriatico aient renoncé à leurs chances de victoire.

Chacune des deux courses a ses particularités, et, si Tirreno-Adriatico a cette année accueilli les meilleurs coureurs au Monde, le vainqueur de la Primavera n’en sera pas forcément issu. Sur les trois dernières éditions, deux coureurs sortis de Paris-Nice (avec tous deux une victoire d’étape) se sont imposés lors du premier Monument de l’année, alors que peu de monde les voyait vainqueurs. L’an dernier, Gerald Ciolek représentait également une énorme surprise. Et ces coureurs ne se préparaient pas forcément en vue de Milan-San Remo. Il va donc falloir être vigilant car beaucoup de coureurs ont leurs chances, et le vainqueur n’aura pas forcément été avantagé par la course à laquelle il a pris part, que ce soit en termes de parcours ou de concurrence. Cependant, cette question posée chaque année doit revenir sur le tapis cette fois encore, car c’est sûrement la dernière fois qu’on peut se la poser de la sorte. Dès l’an prochain, la réforme de l’UCI prévoit qu’aucune course World Tour ne chevauche une autre.

Course au Soleil ou Course des Deux Mers, que choisir ?