Photo du Tour Down Under

Tour Down Under : la victoire des kangourous

 

On entend souvent parler à tort et à travers du Tour Down Under, la course la plus importante du calendrier australien. Créée en 1999, et labellisée World Tour depuis 2008, elle lance chaque année la saison cycliste sous les températures paradisiaques de l’île des kangourous. Nombreuses sont les personnes à la dénigrer et à déclarer haut et fort qu’une course là-bas à cette période n’a aucune valeur et salit le cyclisme et son image, comme l’a fait le Tour de Pékin jusqu’à cette année. Pourtant c’est aujourd’hui l’une des épreuves qui a le plus de succès, surtout commercial et populaire mais de plus en plus sportif. Autant l’épreuve elle-même que le cyclisme australien dans sa globalité justifient le choix de l’UCI.

Aujourd’hui, impossible de passer à côté, l’Australie est une nation qui gagne en vélo. Des coureurs comme Cadel Evans, qui prend sa retraite dans quelques jours, ou Simon Gerrans sont connus par la totalité du public et ont remportés les plus grandes courses du calendrier. Orica – GreenEDGE est une des équipes les plus dynamiques du peloton et a autant marquée les saisons depuis son apparition en 2012 par sa modernité et les nouveaux supports qu’elle utilise pour communiquer avec ses fans que ses résultats (victoire sur les GT, deux monuments, …) sans parler de son bus. Formés sur piste les cracks australiens affolent les compteurs dans les compétitions des moins de 23 ans à coup de titres mondiaux et performent dès leur passage chez les pros. Difficile de comprendre qu’on puisse refuser à la 6ème nation mondiale et 5ème meilleur équipe World-Tour une course à domicile.

Presque un air d’Alpe d’Huez !

Un autre argument fort pour justifier le Down Under c’est la ferveur d’un public connaisseur. Car l’Australie ne suit pas seulement le cyclisme, elle ne fait pas que le supporter et l’adore, elle le pratique a une très large échelle. L’Australie est une terre de cyclisme amateur, le nombre de cyclos est en boom depuis quelques années et cela se voit sur le bord des routes. En 2014 763’000 spectateurs sont venus se masser sur le bord des routes pour un événement d’une semaine, ce qui n’est pas rien. Le tout avec un peu moins de 38’0000 personnes venant de l’étranger. Le public est présent, fervent, connaisseur et surtout là pour s’amuser avant tout. Le rêve pour les coureurs.

S’ils s’amusent, c’est que dans la pure tradition anglo-saxonne les australiens savent faire le show. Tout d’abord au niveau sportif, où les organisateurs ont eu l’intelligence de passer d’une course entièrement plate pour sprinteurs à une course pour puncheurs dès 2011. En allant chercher le Willunga Hill, escaladé deux fois depuis 2012, une petite bosse nerveuse mais courte obligeant une arrivée mouvementée et spectaculaire et en dénichant chaque année de nouvelles petites bosses le Down Under a su efficacement dynamiser la course tout en ne sombrant pas dans le show à tout prix avec des difficultés trop dures et trop présentes : les écarts à l’arrivées restent très serrés et tout peut basculer jusqu’à la fin aux bonifications. Ou encore la mise en place d’une classique de pré-tour, petit critérium pour sprinteurs apprécie du public. Mais le Show est aussi mis en place à côté, de très nombreuses animations sont proposées allant des concerts en plein air aux courses cyclistes ou pédestres pour les amateurs sur le parcours des pros. Aidé par la bonne humeur naturelle des citoyens d’Adelaide, le cocktail fait mouche chaque année et les coureurs ne s’en plaignent pas. La superbe couverture médiatique de l’épreuve, grâce à une réalisation télévisuelle au top a aussi sa part à jouer dans ce succès populaire. Les organisateurs sont d’ailleurs les premiers à dire qu’ils veulent avant tout une belle fête autour du vélo.

Le magnifique cadre offert par les alentours d'Adelaide sont mis en valeur à merveille par le Down Under
Le magnifique cadre offert par les alentours d’Adelaide est mis en valeur à merveille par le Down Under

On peut aussi aborder le succès économique de l’épreuve qui, dans le monde d’aujourd’hui, joue un rôle important quand on voit le nombre d’épreuves annulées à cause du manque de fonds. Parrainée par la région de l’Australie-Méridionale qui a été à l’origine de la mise en place de la course l’épreuve a eu un impact estimé à 43.6 millions de $AUS (environ 30mil$US) en 2013. « The Santos Tour Down Under is a great event for South Australia, generating millions of dollars for the economy and presenting the state as a tourism destination to a worldwide television audience » déclarait à ce propos Gail Gago ministre du Tourisme de l’Etat en 2012 tant la course offre une belle médiatisation notamment touristique. De plus le Tour Down Under a des sponsors fidèles et nombreux dont le plus emblématique est peut-être l’entreprise Santos qui donne son nom à la course. La plus grande innovation et coup de génie de la part des organisateurs est d’avoir instauré depuis l’année dernière un « sponsoring d’étape ». En clair, chaque étape porte désormais le nom d’un sponsor. Des idées dont devraient s’inspirer certaines courses de notre côté du globe car cela permet une pérennité saine et prospère sur le long terme.

Enfin pour finir parlons des coureurs. Car une course, aussi belle soit elle, n’est rien sans de bons coureurs pour l’animer. Et si elle a toujours attiré principalement des coureurs australiens, en forme très tôt dans la saison au contraire des européens en rodage, on voit aujourd’hui un plateau de plus en plus important, international et préparé. Cette année des têtes d’affiches comme Marcel Kittel, Cadel Evans, Richie Porte, Domenico Pozzovivo ou encore Tom Dumoulin étaient présents pour les plus connus d’entre eux. Souvent et longtemps laissé de côté on sent de plus en plus que les directeurs sportifs et les coureurs eux-même considèrent cette course avec respect et envie. Remporter une étape ici n’est plus quelque chose d’insignifiant, encore moins le général, car les équipes viennent aujourd’hui au Down Under pour gagner. Et si les victoires locales au général (Dennis, Gerrans, Meyer) comme sur les étapes semblent vouloir prouver que les kangourous sont les seuls en forme, elles prouvent surtout que le niveau du cyclisme australien est en constante progression, bien que le facteur forme et motivation ait encore aujourd’hui une influence. Mais les mentalités changent, d’édition en édition.

Avec tous ces éléments, qui sont ici exposés brièvement, difficile de refuser une épreuve aussi bien organisée à l’Australie. Les coureurs eux-même semblent en être de plus en plus convaincus et c’est une bonne chose que cette saine diversification et expansion du cyclisme. Aller dans des pays sans culture cycliste pour l’argent non, mais aller à la rencontre des nations du vélo ne peut que développer le sport que nous chérissons tous. C’est dur à assumer et accepter pour nous, européens, mais aujourd’hui nous avons beaucoup à apprendre de l’Australie (et affiliées), autant pour l’organisation de courses que la formation des jeunes.

Article écrit par Le Suisse (A.D.)

Le Down Under a trouvé sa place